Laurent Lombard est un plongeur passionné depuis tout petit. Varois de naissance, Laurent a grandi à Saint-Maxime et s’est installé depuis à Cannes. Voyageur, aventurier, il a été pêcheur une grande partie de sa vie avant qu’un événement fortuit ne l’amène à réfléchir et à s’engager de manière très active dans la protection des fonds marins salis par les macro-déchets. Une vidéo sous-marine publiée sur son profil Facebook en mai 2015 a réuni plus de 3 millions de spectateurs ! Monsieur Buzz nous raconte son chemin, son engagement et les effets de sa notoriété balbutiante.

D’où vous vient cet amour de la mer Laurent ?

Je suis né à Saint-Raphaël, j’ai grandi au bord de la mer. Mon grand-père était garde-forestier, il m’a transmis son amour de la nature. J’ai commencé à plonger en apnée dès l’âge de 8 ans. Après mon service militaire, je suis entré à l’Ecole de la Marine marchande et suis devenu marin-pêcheur puis plus tard patron de pêche. La mer a toujours fait partie de ma vie. Mais j’étais avant tout passionné par l’aventure et la mer, pas forcément par l’environnement.

Alors comment en êtes-vous arrivés à faire ce que vous faites aujourd’hui ? filmer les fonds marins pollués ?

Avant tout, j’ai toujours eu l’esprit d’aventure, j’ai toujours voulu explorer la mer, savoir ce qu’il y avait dedans. Après quelques années en tant que pêcheur, je suis parti m’installer pendant 4 ans dans un endroit isolé de la côte tunisienne, à Douala. J’avais envie de vivre des expériences. C’est d’ailleurs là que j’ai été le plus heureux, quand je n’avais rien ! Je vivais avec un pêcheur du coin dans une cabane que nous avions fabriquée. On se servait de ce que la mer rejetait sur la plage - des morceaux de bois, des planches etc… pour fabriquer notre cabanon. C’était vraiment l’aventure à la Robinson Crusoé. J’ai commencé à dépolluer, histoire d’avoir quelque chose de propre devant chez moi. Mon collègue de cabane a commencé à mieux vendre son poisson aux touristes qui se faisaient plus nombreux sur le spot. Il n’était plus obligé de vendre - moins cher - aux marayeurs. C’est comme ça qu’il s’est rendu compte que c’était important de vivre dans un environnement sain. J’étais entouré de braconniers, j’en ai fait petit à petit des pêcheurs responsables.

Quand je suis rentré en France, j’ai voulu faire pareil. J’ai voulu dépolluer. Je me suis rapproché de la mairie et j’ai proposé de créer un nouveau métier : les cantonniers de la mer. En vain. Je suis rentré à la Lyonnaise des Eaux dans le Service maritime Bateau Mer propre, où je m’occupais de ramasser les détritus en surface. Cela ne se faisait que sur la côte d’Azur à l’époque.

Est-ce qu’il y a une expérience aquatique qui vous a marqué particulièrement ?

Oui, je me souviens d’une expérience plutôt douloureuse. Alors que je plongeais en apnée, dans ma descente un sac en plastique noir est venu se coller à mon masque. Je me suis retrouvé dans le noir, d’un seul coup, je me suis demandé ce qui se passait. C’est ce jour là que le déclic s’est fait dans mon esprit : on ne pouvait pas laisser les fonds marins se faire envahir par le plastique. C’était en Tunisie il y a 10 ans.

J’ai commencé à plonger de plus régulièrement en régulièrement une fois rentré en France, le plus souvent avec une petite caméra étanche, et j’ai commencé à partager mes images sur You.Tube. J’ai rédigé un premier article pour le magazine Mer & Littoral, et puis les choses se sont enchaînées : à la suite d’un article publié dans Nice-Matin, Envoyé-Spécial m’a contacté pour préparer le reportage « Méditerranée, une mer de plastique ». L’objectif était d’expliquer la provenance des déchets et leur cheminement fluvial. Avec France 2, nous avons également réalisé un sujet « Piège de plastique » pour l’émission Infra-rouge.

Entre les 2 reportages, je trouvais que les choses n’allaient pas assez vite, je me sentais mal compris, alors j’ai décidé de grimper sur un phare et de dénoncer la mer poubelle. Juste après la diffusion d’Envoyé spécial en 2011, je suis resté accroché tout là-haut pendant 6 heures, espérant alerter les autorités. La réalité, c’est que je commençais à me lasser. J’avais vraiment l’impression que tout cela ne servait à rien, que c’était une cause perdue. Je suis parti me ressourcer en Corse pour prendre du recul.

Quand je dénonce les pollutions marines, j’ai l’impression d’être en porte à-faux, d’être coincé entre 2 mondes opposés. Il faudrait que les mentalités changent pour que ces 2 mondes cohabitent - la vie moderne & la nature. Il suffirait juste que tout le monde s’habitue à mettre ses déchets dans une poubelle. Je crois qu’en majorité, les gens ne réalisent pas. Moi je suis sur le terrain, je vois vraiment les choses. La pollution, c’est encore plus impressionant quand tu la vois dans l’eau sur place. En réel, c’est vraiment énorme et dérangeant. C’est pour ça que j’essaie de tout faire pour toucher les gens, de filmer le plus réalistement possible.

Depuis il semble que vous ayez trouvé une nouvelle audience ? un nouveau souffle ?

Je suis revenu sur la côte cannoise et sans le vouloir, le réflexe de « sentinelle de la mer » s’est imposé à moi. J’ai plongé, j’ai filmé, j’ai refait une vidéo comme ça. Cette fois-ci, je l’ai posté sur Facebook plutôt que You.Tube. Contre toute attente, j’ai récolté plus de 3 millions de vues ! de plus en plus de personnes réagissent, partagent mes images, me contactent. J’ai eu plusieurs publications dans la presse, comme le Daily-mail et d’autres supports étrangers.

La Mairie a réagit positivement et est venue vers moi pour me consulter. Elle a compris que je possédais les connaissances techniques pour faire avancer la problématique, que j’avais des solutions techniques pour dépolluer moins cher. Elle a organisé un nettoyage et a mis en place une campagne d’affichage pour inviter au civisme & la propreté urbaine. Moins de déchets jetés par terre, c’est moins de macro-déchets dans l’eau.

Les choses commencent à bouger. On parle de plus en plus du 7ème continent et de pollution maritime. Mais le problème est aussi judirique. Qu’est-ce qu’un macro-déchet finalement ? Prenez par exemple vos lunettes : tant que vous êtes à terre, il s’agit de lunettes. Si elles tombent dans l’eau, elles deviennent un déchet, mais juridiquement, elles ne sont que des lunettes ! cette nuance n’est pas encore intégrée dans les labels de type Pavillon Bleu, un macro-déchet n’est pas considéré comme une pollution, c’est juste un objet de l’eau.

Il est indispensable que le travail se fasse à une échelle nationale, il faut une cohésion. Mais il y a des solutions, comme d’agir en amont, directement à partir des bouches d’égout, ou au niveau des courants marins qui drainent les dêchets. Ici par exemple, nous subissont l’influence du Ligure qui charient les plastiques en provenance de l’Italie. On ne peut plus pêcher à ces endroits.

Qu’est-ce que cela vous apporte d’être si souvent au bord de la mer ?

Pour moi, c’est la liberté, c’est un autre monde, l’aventure, la découverte, un espace dépourvu de contrainte. J’ai eu l’occasion de nager avec des dauphins ou des requins sans jamais avoir peur. Je me sens en sécurité dans l’eau. Le temps s’arrête, il n’y a plus rien dans la tête. Quand tu es dans la nature, tu développes une sensibilité, tu perçois mieux ensuite comme les gens que tu croises loin d’elle souffrent.

Je me sens un peu un enfant de Cousteau et de Hulot. Quand j’étais plus jeune, je me souviens d’une émission où Nicolas Hulot s’était fait mordre les doigts par un congre. Ces personnages m’ont marqué, ce sont des gens authentiques, des amoureux de la mer, qui ont la capacité à faire découvrir et à faire aimer, à engendrer des passions.

Avez vous déjà pratiqué le paddle ?

J’ai fait un essai en Corse, chez un ami sur un bateau, nous avons fait du paddle aux Lavezzis, c’est magique ! nous avons navigué autour des blocs de granit avec ces formes incomparables ! aux Lavezzis, il y a ces oiseaux incroyables - les puffins cendrés - qui parlent la nuit, on a l’impression que l’ile est occupée par des esprits, c’est très surprenant, ça fait peur !

Est-ce que vous considérez vivre en harmonie avec la nature ?

Oui, même si en tant que pêcheur, je sais que j’ai fait des dégats. J’ai pris conscience qu’en mer, on peut prendre, mais il faut donner aussi. Ce n’est pas un garde-manger dans lequel on peut se servir sans fin, on ne peut prélever qu’à condition de donner.

Quel serait votre message aux générations futures ?

J’ai un petit neveu qui est un véritable poisson. Quand il plonge, il part spontanément avec un sac pour ramasser ce qu’il voit. Les enfants intègrent très vite ces notions. Alors j’ai envie de leur dire : « Ne prenez pas exemple sur nous. L’avenir c’est vous ! ».

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